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Portrait épidémiologique des TED chez les enfants du Québec

Par Manon Noiseux
L’Express / printemps 2009

Contexte

Dans le cadre de la fonction surveillance, les données sur les troubles envahissants du développement (TED) ont été analysées afin d’estimer la prévalence et les caractéristiques des enfants atteints d’un TED. Les TED n’ont jamais fait l’objet d’une surveillance systématique au Québec. Dans cette optique, malgré les limites des indicateurs disponibles reliés à cette problématique, un portrait épidémiologique a été réalisé pour le Québec.

 


Méthodologie

La prévalence des TED a été estimée à l’aide de données obtenues du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS). Le MELS reçoit annuellement différents renseignements sur la situation et les caractéristiques de chaque élève inscrit dans les écoles du Québec. Ces renseignements indiquent, entre autres, si l’élève chemine au régulier, s’il a un plan d’intervention ou s’il est handicapé. Les élèves avec un TED font partie des élèves handicapés. Dans le milieu scolaire, trois conditions sont essentielles pour déclarer un élève comme étant handicapé :

  • une évaluation diagnostique doit avoir été réalisée;
  • des incapacités et des limitations doivent découler de la déficience ou du trouble;
  • des mesures d’appui doivent être mises en place pour réduire les inconvénients dus à la déficience ou au trouble de l’élève.

Pour le MELS, l’élève handicapé par un TED est celui pour qui un diagnostic a été posé par un psychiatre, un pédopsychiatre ou par un médecin (généraliste ou pédiatre) faisant partie d’une équipe multidisciplinaire.L’évaluation du fonctionnement global, à
l’aide de techniques d’observation systématique et d’examens standardisés conclut à l’un ou à l’autre des diagnostics suivants :

  • trouble autistique, 
  • syndrome de Rett, 
  • trouble désintégratif de l’enfance,
  • syndrome d’Asperger,
  • trouble envahissant du développement non spécifié 1.

Les données de la Fédération québécoise des centres de réadaptation en déficience intellectuelle et en troubles envahissants du développement (FQCRDITED) ont également été utilisées afin de documenter certaines caractéristiques des personnes avec un TED 2.

Les données analysées couvrent les années scolaires 2000-2001 à 2007-2008, pour l’ensemble du Québec, selon différentes variables : type de difficulté ou de déficience, sexe de l’élève, classe où l’élève chemine, niveau scolaire, présence de services d’un CRDI et région administrative.

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Résultats

Au Québec, en 2007-2008, 1 052 102 enfants de 4 à 17 ans étaient inscrits dans une école publique ou privée. Parmi ceux-ci, 5 892 avaient un diagnostic de TED et répondaient aux critères du MELS. Ceci représente un taux de prévalence des TED de 56 pour 10 000 affectant ainsi 1 enfant sur 178. Depuis 2000-2001, il s’agit d’une augmentation annuelle moyenne du taux de prévalence de 23 %. En 2007-2008 il y avait 868 élèves TED de plus dans les écoles du Québec que l’année précédente, et ce, malgré la décroissance des effectifs scolaires de plus de 21 000 élèves pour la même période. 


À l’instar des TED, la prévalence de la déficience langagière, problème connexe aux TED, a augmenté de façon similaire pour atteindre un taux de 59 pour 10 000 en 2007-2008. Les psychopathologies sont également à la hausse tandis que les troubles graves du comportement et la déficience intellectuelle sont relativement stables. À première vue, l’augmentation de la prévalence des TED ne semble pas se faire au détriment d’une autre déficience connexe qui serait à la baisse.

Au Québec en 2007-2008, 84 % des élèves avec un TED sont des garçons. Cette proportion est relativement stable dans le temps. Il y a 5,4 garçons (4 969) pour une fille (923) avec un TED en milieu scolaire.

En 2007-2008, environ 40 % des élèves TED connaissent une certaine forme d’intégration en classe régulière tandis que 60 % cheminent dans une classe ou une école spéciale. Cependant, le type de classe dans laquelle évolue un élève TED, varie selon le niveau scolaire. Ainsi, la proportion d’élèves intégrés dans une classe ordinaire avec soutien diminue de façon importante entre le préscolaire et le secondaire (42 % à 26 %). On observe une situation semblable pour les classes spéciales homogènes (classe TED ou TEACCH) (30 % au préscolaire et 15 % au secondaire). À l’opposé, la proportion d’élèves cheminant dans une classe hétérogène ou dans une école spéciale augmente du préscolaire au secondaire (de 12 % à 32 % et de 14 % à 23 %).

La prévalence des TED varie de façon importante selon le niveau scolaire. On observe un « sommet » de prévalence des TED chez les élèves de 2e année (taux de 99,6 pour 10 000) qui pourrait correspondre à une reprise du 1er cycle du primaire. De manière générale, la prévalence des TED augmente de la maternelle à la 2e année puis diminue jusqu’en 4e secondaire. De façon générale, pour chaque année scolaire, les taux sont supérieurs à ceux de l’année précédente, et ce, pour tous les niveaux.

La comparaison entre les données du MELS et de la FQCRDITED, pour les enfants de 5 à 17 ans, permet de constater qu’en 2002-2003 près de 60 % des enfants avec un TED en milieu scolaire ne recevaient pas de service ou n’étaient pas sur la liste d’attente des CRDI. Cet écart entre le nombre d’enfants avec un TED recensés au MELS et celui connu des CRDI diminue dans le temps et était d’environ 30 % en 2006-2007. Il n’en demeure pas moins qu’au Québec, en 2006-2007, plus de 1 400 enfants de 5 à 17 ans n’étaient pas connus d’un CRDI.

La prévalence des TED varie grandement d’une région à l’autre du Québec. Ainsi, la prévalence dans la région de Montréal est de 79 pour 10 000 tandis que la prévalence dans les régions éloignées telles Chaudière- Appalaches, le Saguenay-Lac-Saint-Jean, l’Abitibi-Témiscaminque et la Côte-Nord est d’environ 30 pour 10 000. Des facteurs comme la sensibilisation de la population et des professionnels à la problématique des TED, la disponibilité des ressources diagnostiques et des services ainsi que la migration d’une région à une autre peuvent expliquer, en partie, la variation interrégionale dans la prévalence.

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Limites

L’utilisation d’une source unique de données pour l’identification des cas sous-estime probablement la prévalence réelle des TED. En effet, il existe un certain nombre d’élèves qui ne sont pas déclarés au MELS pour différentes raisons :

  • élèves en attente de diagnostic;
  • élèves bénéficiant de peu ou pas de soutien en classe régulière;
  • élèves avec double diagnostic déclarés sous un autre code de difficulté (ex. : déficience intellectuelle profonde avec TED);
  • élève non inscrit dans une école au 30 septembre mais présent les mois suivants (déménagement).

Les études utilisant des méthodes de recherche active des cas obtiennent généralement des taux de prévalence plus élevés que les études se basant sur des données administratives pour l’identification des cas3. Les taux de prévalence générés par la présente analyse sont propres aux enfants de 4 à 17 ans et ne peuvent être extrapolés à la population de jeunes de moins de 4 ans ni à celle des adultes de 18 ans et plus. En outre, ces données ne permettent pas de distinguer chacun des troubles du spectre autistique, il est donc impossible d’établir une prévalence pour l’autisme, les TED non spécifiés ou le Syndrome d’Asperger.

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Conclusion

Selon notre analyse, les TED ont augmenté de façon substantielle depuis les dernières années et sont parmi les handicaps les plus recensés en milieu scolaire. Le taux de prévalence augmente, en moyenne, de 23 % par an depuis 2000-2001, ce qui signifie que le taux double à tous les quatre ans. L’évolution de la prévalence des TED au Québec est comparable à ce qu’on observe ailleurs au Canada et dans le monde 4.

L’élargissement des critères diagnostiques, l’identification de plus en plus précoce des enfants avec un TED ainsi que la sensibilisation des professionnels et de la population ont sans doute contribué, en partie, à l’augmentation de la prévalence des TED.Cependant, une augmentation du taux de prévalence de plus de 300 % en huit ans mérite qu’on y accorde une attention particulière. Il importe de mettre sur pied un système de surveillance des TED. La recherche doit se poursuivre afin de mieux identifier les facteurs contribuant à l’émergence des TED chez les enfants.

À propos de l’auteure
Manon Noiseux
M.Sc. Épidémiologie et Médecine préventive Direction de santé publique de la Montérégie Surveillance de l’état de santé de la population

 

Suite à une demande adressée au Directeur national de santé publique, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) a examiné la pertinence et la faisabilité d’implanter un système de surveillance des TED au Québec. Dans un document, déposé en septembre 2008, l’INSPQ reconnaît que les TED sont un problème de santé publique important à surveiller étant donné la fréquence de la maladie, la sévérité du fardeau familial et sociétal, la faisabilité et l’efficacité de l’intervention existante (intervention comportementale intensive) ainsi que les possibles inégalités dans les ressources d’interventions et de diagnostic dans certaines régions. L’INSPQ suggère de rehausser la capacité de surveillance des TED en utilisant des sources de données multiples telles les données administratives du MELS (source de données la plus prometteuse dans un contexte québécois) et les données d’adaptation qui seront colligées à partir de 2009, via le Système d’information pour les personnes avec déficience (SIPAD) dans une banque provinciale 5. L’Agence de santé publique du Canada considère également la possibilité de mettre en place un système de surveillance des TED à l’échelle du pays 6.


1 MELS, 2007 
2 FQCRDITED, 2007 
3 Fombonne, 2003; Centers for Disease Control and Prevention, 2007 
4 Atladottir, 2007; CDC, 2007; Gurney, 2003; Newschaffer, 2005; Ouellette-Kuntz, 2007 
5 Huot, 2008 
6 Policy Planning Plus Inc., 2007 

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Bibliographie

Atladottir, H. O., et al. (2007). Time trends in reported diagnoses of childhood neuropsychiatric disorders: a Danish cohort study. Arch Pediatr Adolesc Med, 161(2), 193-198.

Centers for Disease Control and Prevention. (2007). Prevalence of autism spectrum
disorders—autism and developmental disabilities monitoring network, 14 sites, United States, 2002. MMWR, 56(1), 12-28.

Fombonne, E. (2003). Epidemiological surveys of autism and other pervasive developmental disorders: an update. J Autism Dev Disord, 33(4), 365-382.

FQCRDITED. (2007). Les indicateurs de gestion 2006-2007 - Un outil d’amélioration de la qualité. Montréal.

Gurney, J. G., Fritz, M. S., Ness, K. K., Sievers, P., Newschaffer, C. J., and Shapiro, E. G. (2003). Analysis of prevalence trends of autism spectrum disorder in Minnesota. Arch Pediatr Adolesc Med, 157(7), 622-627.

Huot, C., Hamel, D. et Saint-Laurent, D. (2008). La surveillance des troubles envahissants du développement au Québec : pertinence et faisabilité. INSPQ. Document non publié.

MELS. (2007). L’organisation des services éducatifs aux élèves à risque et aux élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA). Québec.

Newschaffer, C. J., Falb, M. D., & Gurney, J. G. (2005). National autism prevalence trends from United States special education data. Pediatrics, 115(3), e277-282.

Ouellette-Kuntz, H., Coo, H., Lloyd, J. E., Kasmara, L., Holden, J. J., & Lewis, M. E. (2007). Trends in Special Education Code Assignment for Autism: Implications for Prevalence Estimates. J Autism Dev Disord

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